dimanche 2 juin 2013

L'Eglise aux pigeons

L'Eglise aux Pigeons
(Vieille légende)

Tamerlan, le conquérant boiteux, était devenu le maître de la moitié de la terre. Sa soif de domination et de gloire ne s'était pas apaisée pour autant. Rien ne résistait au flot de ses hordes. Partout où elles se déversaient, elles ne laissaient derrière elles que mort, feu, ruines et désolation. 

D'étape en étape, Tamerlan et ses hordes arrivèrent en Arménie n'en faisant qu'une bouchée. Une grande partie de la population fut massacrée ; ceux qui eurent la vie sauve furent faits prisonniers et traînés derrière son immense armée. Tamerlan était satisfait de cette conquête et se préparait déjà à de nouvelles victoires.

Arrivé aux bords du lac Sévan, il ordonna à ses hommes de faire une courte halte. Non loin du camp, s'élevait vers le ciel une petite église.




Et dans cette église, un vieux moine, le père Ohan, un saint homme, faisait ses prières. Bien loin de l'agitation du monde, il parlait à Dieu implorant sa miséricorde pour son peuple malheureux, pour que règne la paix sur terre. Son âme simple et bonne se  révoltait contre l'injustice du sort qui frappait son pays et ses frères. Lorsqu'il s'aperçut de la présence de Tamerlan, qu'il maudissait, ne pouvant supporter son voisinage, il interrompit ses prières, quitta l'église, cheveux et barbe d'un blanc de neige frémissant au vent,  il s'avança vers le lac et marcha sur lui, porté par ses eaux limpides et s'éloignant rapidement de ses berges.
Tamerlan sur l'autre rive vit ce miracle et n'en crut pas ses yeux.
- C'est impossible, murmura-t-il, je dois rêver.
Mais ses lieutenants affirmèrent avoir vu la même chose. Ils ne pouvaient tous rêver ...
La peur s'empara de lui ; il appela :
 - Reviens vieillard  ! Reviens homme de Dieu ! 
Le Père Ohan l'entendit et, sans se presser, revint s'immobiliser devant le conquérant.
 - Que désires-tu ô saint homme ? Demanda celui-ci.
  - Veux-tu richesses, pouvoir, vie fastueuse ? Parle, tes désirs seront exaucés.
 - Je n'ai point besoin de richesses ni de gloire. C'est la liberté de mon peuple que je te demande. Libère les prisonniers, laisse les aller où bon leur semble, vivre en hommes libres dans ce vaste monde. Il y a assez d'espace sur terre pour que toutes les créatures de Dieu puissent vivre sans se gêner.
 - Alors, tu veux la liberté de ton peuple ... Bien ! Qu'il en soit ainsi. Je t'accorde la liberté de tous ceux que pourra contenir ton église. Et maintenant, va, et prie pour moi. 

Ainsi parla Tamerlan qui ordonna qu'une partie des prisonniers fussent conduits à l'église. Les gardes laissèrent passer les hommes enchaînés qui, les uns après les autres, franchirent le seuil de l'église. Il en passa, mille, dix mille, cent mille...Mais l'église n'était pas encore pleine.
 Tamerlan, ébahi, pensa qu'il rêvait encore.
 - Laissez toujours passer ! Cria-t-il à ses gardes. 
Un nouveau flot de prisonniers s'avança vers l'église. Ils entrèrent tous, par centaines de milliers, mais l'église n'était toujours pas pleine ! 
Tous les prisonniers s'y étaient maintenant introduits ; plus un seul n'était au dehors...Mais l'église était toujours vide !
 Tamerlan désemparé ne savait plus que penser :
 - Suis-je éveillé ou est-ce encore un rêve ? Allez voir, vite, quel est ce miracle ? 

Les lieutenants du conquérant féroce se précipitèrent vers l'église, y pénétrèrent et ne virent ... que le père Ohan, agenouillé et seul devant le saint autel, les mains croisées, les yeux levés vers le ciel, la barbe blanche ruisselant de larmes, prier, prier sans cesse. 

Dieu avait exaucé la prière du saint homme. Tous les prisonniers introduits dans l'église s'étaient transformés en pigeons blancs et, par delà la fenêtre ouverte, s'étaient envolés libres et joyeux, vers leurs montagnes natales.

Dans l'église illuminée il ne restait plus que le père Ohan, agenouillé devant le saint autel, les mains croisées, les yeux levés vers le ciel, la barbe ruisselant de larmes de gratitude, il priait, priait sans cesse pour la liberté des hommes et pour la paix du monde.




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